Il était une nuit… Conte d’Halloween

Il était une nuit… Conte d’Halloween 1

1er novembre 1689. Château de Sombreffe. 00h17. Un fracas lointain. Un hurlement dans la nuit. Le début de l’éternité…

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Il y a plusieurs siècles d’ici, au Château de Sombreffe, vivait Adélaïde Von Hagestad, épouse d’Alexandre de Béthune, Comte de Sombreffe.

On raconte que de tout le comté, nulle jeune femme ne rivalisait en beauté avec Adélaïde, dont l’élégance n’avait d’égale que sa froideur.

Née roturière en Allemagne, en 1661, Adélaïde Von Hagestad passa les premières années de sa vie auprès des siens. Très proche de sa mère, qui la choyait plus que de raison, elle était une enfant joyeuse, pleine d’énergie et jouissait alors d’une vie heureuse et paisible. Jusqu’au jour où son destin bascula brutalement. À peine âgée de 5 ans, la petite se retrouva orpheline de mère. Cette dernière ayant été foudroyée par la maladie, elle laissa à sa fille pour unique souvenir un coffret rempli de bijoux. Un véritable trésor dont Adélaïde ne se séparerait jamais plus, elle s’en fit la promesse. Ivre de chagrin, elle plongea dans un profond mutisme…

Il était une nuit… Conte d’Halloween 2
Adélaïde Von Hagestad

Les années passèrent, Adélaïde grandit et devint une merveilleuse jeune femme. À l’aube de ses 17 ans, elle croisa la route d’Alexandre de Béthune, Comte de Sombreffe, alors que celui-ci, accompagné de sa garde pour un long voyage vers des contrées ennemies, passa la nuit dans le gîte Von Hagestad, une humble demeure isolée sur les hauteurs allemandes.

Un regard. Le coup de foudre. Le Comte l’annonça sur-le-champ : cette femme, bien que muette, allait devenir sienne. Adélaïde prépara ses maigres bagages et son coffret à bijoux dans la nuit et partit au petit matin avec son futur époux.

Les noces furent célébrées deux jours plus tard, donnant lieu à un banquet gargantuesque. Le comté tout entier festoya des jours durant en l’honneur des jeunes époux. Ainsi Adélaïde Von Hagestad devint Comtesse de Sombreffe.

Les jours, les semaines, les mois passèrent. La jeune Comtesse, bien que particulièrement discrète, trouvait peu à peu sa place. Ou presque…

Car la demoiselle avait de quoi intriguer. Belle, douce, élégante et gracile, toujours parée de ses plus beaux bijoux, Adélaïde demeurait néanmoins froide, mystérieuse, presque méprisante. Jamais, depuis la disparition de sa mère, elle n’avait prononcé le moindre son…

Il était une nuit… Conte d’Halloween 3

Alexandre de Béthune, pourtant bien démuni face au silence de sa dulcinée, n’abandonna guère et redoubla d’efforts pour tenter de toucher en plein cœur celle qui était devenue sa femme, pour son plus grand bonheur. Très amoureux, il la couvrit de cadeaux, tous plus onéreux les uns que les autres. Il missionna une jeune servante de tenter d’entrer en contact avec elle. Il lui déclara sa flamme, encore et encore. En vain. Adélaïde restait de marbre et ne prononçait pas le moindre mot. Seuls les bijoux reçus en héritage semblaient trouver grâce à ses yeux.

Le Comte était si malheureux… Une situation intolérable pour sa mère, Bénédicta de Bethune, qui ne supportait plus pareil affront. Comment cette petite sotte osait-elle mener par le bout du nez son fils, un homme de haut rang, si bon, si généreux ?

Au bout de plusieurs années, Bénédicta prit une importante décision : cela n’avait que trop duré, il fallait, coûte que coûte, desceller les lèvres de cette petite effrontée. Et peut-être que si ses précieux bijoux disparaissaient, Adélaïde retrouverait enfin la parole…

L’après-midi du dernier jour d’octobre, alors que le Comte Alexandre de Béthune était parti en voyage et qu’Adélaïde brodait devant l’âtre du feu, dans le salon, Bénédicta s’introduisit sur la pointe des pieds dans la chambre d’Adélaïde. Agile comme un chat, elle progressa à pas rapides vers le coffret posé sur la commode, s’en empara et rebroussa chemin dans un silence monastique pour ne pas être repérée. Elle l’enterra aussitôt dans un coin reculé du domaine pour que jamais Adélaïde ne remette la main dessus. Elle allait payer pour ce qu’elle faisait subir à son bien-aimé fils, quel qu’en soit le prix.

Vers 23h30, après avoir pris le thé, la jeune Comtesse monta se coucher. Lorsqu’elle entra dans la chambre, son regard fut immédiatement attiré vers la commode, comme aimanté par le vide laissé par l’objet volé. Elle encaissa l’insupportable réalité avec l’impassibilité qui la caractérisait tant. Cette après-midi, les bijoux de sa regrettée mère, si chers à son cœur, avaient disparu. Cette après-midi, c’était une partie d’elle-même qui avait été dérobée… Adélaïde était anéantie, brisée. Froide et muette, le cœur lourd et la mort dans l’âme, elle se coiffa, s’habilla et se maquilla comme elle le faisait chaque matin, ses yeux bleu acier plongés dans son propre reflet. Une larme coula sur sa joue droite. Elle enfila sans conviction les bijoux offerts par son époux et descendit les marches de l’escalier d’un pas lourd. Imperturbable, plus belle que jamais, elle sortit en silence du château, vêtue d’une simple robe de lin blanc – une tenue tout à fait inadaptée au froid des nuits d’automne, mais qu’importait – une lanterne à la main, sous les yeux ébahis de sa belle-mère et de quelques domestiques. Puis elle disparut dans l’obscurité, comme engloutie.

Il était une nuit… Conte d’Halloween 4

Bénédicta, entre excitation et terreur, scruta l’horizon. L’opacité de la nuit. L’obscurité. Profonde. Lugubre. Hostile. Dans un silence assourdissant. Quand soudain…

1er novembre 1689. Château de Sombreffe. 00h17. Un fracas lointain. Un hurlement dans la nuit. Le début de l’éternité…

Adélaïde la muette poussa un cri effroyable, presque animal. Le premier depuis de très nombreuses années. Le dernier, aussi…

Blessée, touchée en plein cœur, la jeune femme, amputée d’une partie d’elle-même, se donna la mort, sans autre forme de procès, à l’aide de verre brisé.

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Depuis ce terrible évènement, on raconte que chaque année, le 31 octobre, dès les dernières heures du jour, il est possible d’apercevoir, errant autour du château, la silhouette fantomatique d’une femme. Adélaïde. Revenue de l’au-delà, la jeune femme refait surface le temps d’un soir, d’une nuit, la douceur et la beauté de son visage désormais marquées par les stigmates de la mort. À la lueur diffuse de sa lanterne brisée, la défunte, mi-femme, mi-squelette, déambule dans les jardins du château à la recherche de son trésor familial, traînant son chagrin comme un lourd fardeau pour l’éternité…

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Mais attention, chers visiteurs ! S’il est vrai que cette âme en peine ne vous veut aucun mal, prenez néanmoins garde à vos bijoux ! Car, si rien ne remplacera jamais ce qui lui a été arraché, la jeune Adélaïde tente, par tous les moyens, dans un élan de vengeance désespérée, de se constituer un nouveau butin. Ainsi, chaque jour de l’année, errant de manière invisible dans le domaine du château, Adélaïde s’empare de tous les apparats qui croisent sa route… sans même que vous vous en aperceviez !

Il était une nuit… Conte d’Halloween 6

Article : Aurielle Marlier
Make up : La licorne à pois
Modèle : Maïté

Lieu : Le château de Sombreffe
Photos: Julie (Heliboo)

Merci à toute cette petite équipe pour le deuxième shooting version Halloween d’Heliboo. 120 photos se retrouvent dispersées sur l’eshop et les réseaux sociaux. Pour lire, découvrir ou revoir l’article de l’an dernier, c’est par ici !

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